Ce texte est inspiré des textes Anarchie Intime d’Anne Archet et The Short Instructionnal Manifesto for relationship Anarchy par Andie Nordgren. Il résume en huit points l’anarchie relationnelle telle que je la vis.
Dans ce texte, les mots “amour” et “amoureux·se” sont utilisés dans un sens bien plus large que pour désigner l’amour romantique.
Ce cadre se heurte à de nombreuses limites dans la pratique de mes relations, mais il est aussi issu de leur pratique : C’est en rejetant les implicites, et en développant des relations basées sur la communication et l’acceptation des désirs de chacun, que je me suis éloigné de la normativité, avant de découvrir que je n’étais pas seul à penser et vivre ainsi. Il ne s’agit pas d’un cadre figé et mes relations ne seront jamais parfaites.
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????Chacune de mes relations est unique; toutes sont basées sur l’amour
Je ne clive pas mes relations de valeurs en deux catégories sous prétexte que certaines seraient traversées par une forme d’amour soi-disant supérieure. Toute relation que je vis comme importante est traversée par l’amour, et constitue est un agencement singulier des désirs de chacun·e. Je crache sur la friendzone : En quoi une amitié sans sexe aurait moins de valeur que le sexe sans amitié ? Pourquoi l’amitié devrait-elle être “pure”, dépourvue d’attirances sexuelles comme si elles étaient sales ? Mes relations de valeur se nomment toutes “amitié”, car elles se fondent sur le respect, la loyauté, la complicité, l’amour, l’honnêteté, le partage et l’entraide.
????L’amour et le respect, plutôt que le droit de m’approprier autrui
Traditionnellement dans notre société, nos amitiés sont basées sur le respect, et ne permettent jamais de s’approprier le corps de l’autre ou de lui interdire de développer d’autres amitiés, de tomber amoureux·se, ou de coucher avec qui que ce soit. Je choisis donc d’étendre ce principe à toutes les relations que je nomme “amitié”.
☄J’identifie mes valeurs amoureuses
Le non-jugement, l’acceptation, la solidarité, l’honnêteté, la loyauté, l’entraide, l’égalité, l’écoute, le respect, le partage.
✨Amours solidaires en guerre contre la Normalité
Face aux coups de la Normalité, soyons solidaires. En formant des relations égalitaires, nous construisons des communautés qui nous peuvent nous offrir une bulle d’air frais au milieu du capitalisme. Nous sommes traversé·es par de nombreuses oppressions, desquelles découlent des asymétries relationnelles. Parlons des oppressions que nous vivons, identifions nos privilèges. Acceptons nos limites et celles de nos ami·es : face aux normes, on ne peut pas toujours résister, mais tentons au moins de ne pas nous détester pour nos faiblesses, d’êtres indulgents envers nous-mêmes et nos amis. Acceptons la culpabilité, la jalousie, la tristesse que nous pouvons ressentir, reconnaissons qu’elles existent plutôt que de tenter de les faire disparaître en les ignorant.
????Je choisis de laisser la place à la spontanéité et aux désirs
J’écoute mes désirs et arrête de les réprimer en permanence : si je veux vraiment agir sur base de ce désir, et j’estime qu’il y a une chance que la personne vers qui il est dirigé le veuille également, je m’assure de son consentement et j’agis. Il y a toujours de la place pour la négociation afin d’ajuster nos désirs ; nos consentements ne sont pas passifs. Je prends conscience de mes élans affectifs, si j’aime quelqu’un·e je lui dis.
????Face aux difficultés, élaborons des stratégies
Jusqu’ici, j’ai rencontré peu de difficultés, mais voici quelques stratégies qui m’ont été utiles :
- demander de l’aide à une personne extérieure à la relation
- dire sincèrement à l’autre ce que je ressens (cf. Les échanges plutôt que la Normalité)
- faire une pause, me retrouver seul avec moi-même
- parfois, céder un peu face aux Normes, mettre en pause le cerveau, me retrouver dans des relations plus conventionnelles mais de confiance
- écouter l’autre pour identifier si une inquiétude m’appartient ou si elle est fondée (ex: ma peur d’avoir trop de pouvoir dans une relation)
- rester dans le placard : pas besoin de se battre en permanence…
- utiliser une liste des émotions1 pour identifier mes émotions et mes besoins
- ne pas être trop exigeant avec moi-même
????❤️????????La confiance plutôt que le contrôle
Préférer la confiance à la méfiance, ne pas me lancer dans une relation si je suis méfiant, ou lui laisser le temps de se construire. Facile à dire, difficile à mettre en pratique. Sans doute la raison pour laquelle je compte mes ami·es sur les doigts d’une main, et que je construits des relations lentement. Il y a toujours l’anxiété derrière pour me dire que je devrais me méfier, que je suis en train de perdre le contrôle et que c’est mal : J’essaie tant bien que mal de lui dire de la fermer, c’est moi le chef, c’est moi qui cause. Anxiété de merde.
⚡Les échanges plutôt que les normes
Dans les cours plus pratiques de mon cursus de psychologie, les professeur·es enseignent divers outils de communication et d’écoute. Yels insistent sur leur spécificité à la relation thérapeutique : “Dans la vie quotidienne, vous ne parlez pas comme ça avec vos ami·es, ce serait vraiment bizarre!”. Yels ont raison, mais est-ce une raison pour limiter l’usage de ces outils à une relation thérapeutique professionnelle ? D’ailleurs selon Rogers, toute relation peut être thérapeutique : On n’attend pas nécessairement un psychothérapeute pour pouvoir se réaliser en tant que personne intègre et authentique (heureusement d’ailleurs, quand je vois l’incompétence et la normativité de certain·es de mes futur·es collègues2). Pourtant, peu d’entre nous apprennent à communiquer (parler et écouter réellement). Pourquoi ne pas nous ré-approprier ces outils, pourquoi les limiter à un cadre spécifique auquel beaucoup de gens ne recourent que quand yels sont vraiment dans la merde?
Et même sans aller jusque là (mais je vais jusque là sans scrupules), on ne peut que constater que dans beaucoup de cas, la communication n’est utilisée qu’en cas de problème relationnel. Nous n’avons pas l’habitude d’exprimer nos désirs, nos frustrations, nos peurs, ni d’écouter les désirs, frustrations et peur de l’autre. Or, dans une relation qui n’est pas soumise à des normes externe, et où les seules règles qui prévalent sont décidées par les personnes en relation, la communication n’est plus seulement très importante, elle devient absolument nécessaire. On ne peut pas supposer ce que l’autre pense, désire et et ressent. Les outils de communication deviennent donc très utiles.
La Salope Éthique cite d’ailleurs certains outils : l’empathie exprimée par la reformulation3 et l’authenticité4.
????Nos engagements sont vivants
L’anarchie relationnelle ne suppose pas l’absence d’engagements, elle demande simplement que ces engagements soient personnels, choisis et réfléchis, plutôt qu’imposés par une norme romantico-sexuelle ou autre.
Un engagement fondamental pour moi est la promesse d’être là pour mes ami·es quand yels sont dans la merde, quand yels vont mal, même si ce n’est pas facile, voir carrément douloureux5.
Je dois être capable d’identifier les projets foireux, et d’en parler avec les personnes impliqué·es, de leur dire que je ne pourrai pas les concrétiser seul, que je ne pourrai pas les concrétiser maintenant, voire que je ne pourrai pas les concrétiser tout court.
Je ne fais pas des masses de promesses, mais je les tiens. Ainsi j’offre un sentiment de sécurité à mes ami·es amoureuxses.
1 Genre liste des émotions de Rosenberg.
2 Au secours.
3 “Une technique d’écoute attentive consiste à laisser parler votre partenaire sans l’interrompre, puis de lui faire savoir que vous avez bien entendu en répétant ce qu’il a dit.” Reformuler avec ses propres mots ce que la personne vient de dire, c’est un très bon moyen de lui montrer qu’on l’écoute, et de s’assurer qu’on a compris.
4 “Prenez votre temps et efforcez-vous d’être aussi clair et précis que possible. En plus de l’exposé des faits assurez-vous d’inclure également des détails sur vos émotions” L’authenticité consiste à prendre conscience de son ressenti et à le communiquer. On n’est pas obligé·e de communiquer ce ressenti, la simple congruence peut suffire, c’est-à-dire prendre conscience de notre ressenti. Mais si on estime que c’est utile, respectueux, non jugeant de le communiquer, communiquons.
5 Ce qui ne m’empêche pas de faire attention à ce que je ressens et à mes limites. Mais c’est un équilibre que j’ai mal à trouver.