Attirances et appréciations

Cet article a pour but de synthétiser mes réflexions, discussions et lectures autour du concept d’attirance, et des concepts apparentés.

Typologie du (non-)désir

Quelle distinction opérer entre attirance et appréciation? Cette question est apparue dans une discussion liée à cet article sur l’attirance esthétique. Une personne a suggéré que la distinction se trouve dans la présence (attirance) ou l’absence (appréciation) de compulsion. Bien que cette suggestion soit très intéressante (et à l’origine ma découverte du concept d’appréciation), je souhaite faire une nouvelle suggestion : Je pense que la distinction attirance/appréciation se trouve dans la présence/absence de tension.

En effet, le mot compulsion contient une l’idée qu’angoisse et culpabilités sont associées à la non-réalisation de l’action compulsive. Bien sûr des attirances peuvent être compulsives, mais je souhaitais une définition qui premièrement ne crée pas de fossé trop large entre attirance et appréciation, et deuxièmement soit la plus proche possible de ce dont la plupart des personnes parlent lorsqu’elles évoquent une attirance. le mot impulsion décrit la même chose, sans angoisse associée, mais il a également un sens particulier en psychopathologie. Je me suis dit : Qu’en est-il de concept psychanalytique de pulsion ? En psychanalyse, la pulsion est l’«énergie fondamentale d’un sujet qui le pousse à accomplir une action visant à réduire une tension».

Il m’a donc semblé que le plus petit dénominateur commun des attirances soit la tension que la personne ressent. C’est une différence qualitative entre attirance et appréciation : une attirance est liée à une tension, une appréciation ne contient pas de tension.

Mais ces tensions qui sous-tendent l’attirance et le désir ont pour point commun qu’elles sont dirigées vers un objet que la personne a investi de sentiments positifs. or, il peut y avoir des tensions qui ne sont pas liées à un objet particulier, des désirs qui ne sont pas dirigés vers un objet. C’est par exemple le cas d’une personne asexuelle qui ressent une tension sexuelle sans que cette tension soit dirigée vers une personne en particulier.

Représentation schématique de cette typologie:

typologie des désirs
Typologie des désirs

Investissements primaires et secondaires

Les investissements, qu’ils soient de l’ordre de l’attirance ou de l’ordre du désir, peuvent être primaires, c’est à dire provoqués par l’objet lui-même, ou secondaires s’ils sont provoqués par un autre investissement.

Par exemple, une personne peut ressentir une attirance intellectuelle (investissement primaire) envers une personne, et ensuite, sur base cette attirance, une attirance sexuelle (investissement secondaire). C’est le cas dans la sapiosexualité.

Un autre exemple : Une personne peut ressentir une attirance émotionnelle (investissement primaire) pour une personne, et ensuite une appréciation esthétique (investissement secondaire).

Exemples d’investissements

Les attirances et appréciations peuvent être de natures variées. Ici je décris quelques attirances et appréciations dirigées vers des personnes :

  • attirance sexuelle : vouloir des relations sexuelles avec une personne
  • appréciation sexuelle : aimer les relations sexuelles avec une personne
  • attirance sensuelle tactile : vouloir toucher une personne (câlins, caresses, baisers, massages…)
  • appréciation sensuelle tactile : aimer toucher/être touché par une personne
  • attirance sensuelle esthétique : vouloir regarder une personne
  • appréciation sensuelle esthétique : trouver une personne belle
  • attirance émotionnelle : désir d’intimité émotionnelle avec une personne (ex : vouloir prendre soin d’elle)
  • appréciation émotionnelle : aimer l’intimité émotionnelle avec une personne
  • attirance intellectuelle : rechercher la chimie intellectuelle avec une personne
  • appréciation intellectuelle : apprécier la pensée de quelqu’un·e, aimer échanger des idées avec ellui

Désirer, décider, et consentir avant d’agir

Entre le désir et l’acte, il y a plus qu’un pas qui peut ne pas être franchi.

  • Être conscient·e de ce qui nous traverse n’a rien d’évident. Souvent, nous n’écoutons pas ce ressenti car nous sommes pris·es par autre chose, ou parce que nous le négligeons. Il se peut que le désir ne fasse que traversé la conscience un bref instant, avant d’être oublié.
  • Décider, c’est vouloir le désir, et oser l’exprimer. Désirer ne suffit pas, plein d’autres facteurs entrent en jeu. Par exemple, on peut désirer un bref instant frapper quelqu’un, avant de se dire que cela n’a pas de sens. On peut au contraire désirer faire un câlin à quelqu’un, et se dire que cette une bonne idée. A partir de là, il faut évaluer si on peut oser : Peut-on exprimer notre désir à la personne qui en est l’objet ? Si j’estime que cela sera mal reçu, je peux choisir de le garder pour moi. Cette phase est compliquée dans certains cas, car elle nécessite d’évaluer des risques, or personne n’est devin. Dans le cas de certaines neuroatypies, cette évaluation peut être biaisée (ex : par l’anxiété), amenant la personne à surévaluer les risques.
  • Consentir : Une fois qu’on a exprimé son désir à l’autre, on attend sa réponse. Yel peut refuser, accepter la demande telle qu’elle est formulée, demander des précisions, ou encore négocier la demande.. à la baisse ou à la hausse. Consentir, c’est accorder les désirs.